Message non lu
par coco47 » 07 janv. 2014, 04:35
En 1990, le Conseil supérieur de la langue française préconisait la suppression de l’accent circonflexe, notamment sur i et u. Ayant découvert sur le tard ces « recommandations », un auteur débutant rencontré sur le présent forum en 2009 et qui m’avait confié la correction de son premier roman exigea que je supprime tous les flexes de son texte. Notre collaboration s’arrêta là. Or, il semblerait qu’aujourdhui la tendance se soit inversée. On ne compte plus les accents circonflexes inventés dans toutes sortes d’écrits, y compris par des gens très bien.
Je rencontre tous les jours des dîtes (au présent de l’indicatif du verbe dire), des faîtes (à l’impératif du verbe faire) et des fût (au passé simple du verbe être). J’ai lu récemment un dégaîné. Et même, aujourd’hui encore, sur une colonne Morris, cet avis extrait du Parisien : « Une ôde à la vie ».
Mais le record est détenu par tâche au sens de salissure, qui est désormais plus fréquent que le simple tache. Il m’est arrivé de voir citer Philip Roth et son roman La Tâche. En ce moment, une publicité américaine que l’on voit à la télévision et qui a dû coûter très cher — puisqu’elle met en scène l’oscarisé Jean Dujardin — affiche fièrement en sous-titre le mot tâches au sens de souillures. Très logiquement, cette tâche déteint, si j’ose dire, sur les dérivés tâcher (et je ne parle pas ici de s’efforcer), faire tâche, entâcher. J'ai même utilisé aujourd'hui une colle dont on me dit qu'elle est « non tâchante » !
J’oserai à ce propos une tentative d’explication. Si l’on examine le sens de la plupart des mots qui le contiennent, le â n’est pas très engageant : marâtre, bellâtre (peu sympathiques personnes), les couleurs jaunâtre, verdâtre, blanchâtre (pas bien nettes, ces teintes). Et que dire de lâche, gâcher, renâcler, bâcler, mâcher, rabâcher ? Les mots avec â sont un peu crades. Ce â fait vraiment tache. La tentation de l’associer à l’idée de souillure, de salissure semble donc logique… Et on pourrait observer que la sonorité du â, traînante, relâchée, limite vulgaire, accentue cette impression de « pas net ».
Mais, justement, la prononciation ne suit pas la graphie ! Manquant de suite dans les idées, les gens qui écrivent tâche au lieu de tache ne prononcent pas tââche en traînant sur le a. Comme s’ils n’osaient pas aller jusqu’au bout de leur logique. De sorte que le â de tache est un tic purement orthographique, qui n’apparaît pas à l’oral.
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coco47 le 09 janv. 2014, 05:26, modifié 3 fois.