havas a écrit :Douter de juristes, voilà une attitude saine
Je ne doute de rien, je doute de tout

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Plus sérieusement, puisqu'il semblerait que la discussion doive finalement avoir lieu ici, je ne fais pas que douter pour le plaisir de douter, j'ai plusieurs arguments à faire valoir pour soutenir ma position :
- Bien qu'elles soient toutes antérieures à 2000 et de valeur jurisprudentielle plus faible (cinq en première instance et une en appel), j'ai tout de même obtenu six décisions de justice en ma faveur dans des cas similaires pour des durées de collaboration (avec des mensuels) allant de trois mois à deux ans.
- Je ne vois pas très bien comment cette distinction entre les pigistes qui peuvent justifier de plus de trois ans de collaboration et ceux qui ne peuvent pas pourrait être compatible avec la loi Cressard, laquelle nous dit -- je le rappelle à toutes fins utiles -- que
« Toute convention par laquelle une entreprise de presse s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties ».
- Quand les syndicats nous parlent d'une limite de trois mois en deçà de laquelle on ne peut pas espérer grand-chose, c'est aussi parce que cela correspond à la durée maximale (et encore, uniquement dans certains cas de figure) de la période d'essai pour un journaliste. Il me semble que devoir justifier d'une collaboration de trois ans reviendrait à instaurer une période d'essai-bis pendant laquelle le journaliste ne jouirait pas de tous les droits que lui accordent le Code du travail et la Convention collective et dont la durée excessivement longue serait de surcroît totalement incompatible avec la loi française.
- Enfin, je suis remonté jusqu'aux arrêts eux-mêmes (
1er février 2000 et
18 juillet 2001) et je ne suis pas d'accord avec l'analyse qu'en font "tes" juristes de l'Inspection du travail. Voici ce que dit la Cour de cassation :
« Si en principe une entreprise de presse n'a pas l'obligation de procurer du travail au journaliste pigiste occasionnel, il n'en est pas de même si, en fournissant régulièrement du travail au journaliste pendant une longue période, elle a fait de ce dernier, même rémunéré à la pige, un collaborateur régulier auquel l'entreprise est tenue de fournir du travail. Par suite l'interruption de cette relation de travail s'analyse en un licenciement ». Donc, effectivement, comme les pigistes concernés par ces deux affaires ont travaillé trois ans pour les employeurs qu'ils ont assignés en justice, ils sont fondés à être indemnisés pour la perte de leur travail.
Mais ces deux arrêts ne disent strictement rien sur les collaborations inférieures à trois ans, ils disent simplement qu'au-delà de trois ans on peut être tranquille. Et le fait est que, à ma connaissance, la Cour de cassation n'a jamais dit clairement à partir de combien de temps on peut être indemnisé, donc les Prud'hommes jugent au cas par cas. En dessous de trois mois, il est quasi certain qu'un pigiste sera débouté de ses demandes (sauf s'il bosse pour un quotidien et peut-être un hebdo) ; au-delà de trois mois, la partie est jouable (la preuve : j'ai gagné) mais risquée, l'employeur pouvant toujours faire appel (puisqu'il y en a bien qui trouvent judicieux de former des pourvois en cassation pour des durées de collaboration de trois ans !) ; et j'aurais tendance à croire qu'un an de collaboration
régulière est très largement suffisant pour rentrer dans le cadre de la
« longue période » qui est posée comme condition par la Cour de cassation.
Maintenant, soyons pragmatiques, plus il y aura de pigistes confrontés à ce genre de problèmes pour des durées de collaboration relativement faibles (mettons de trois à six mois) qui porteront l'affaire en justice, plus on augmente les chances de voir un jour la Cour de cassation trancher définitivement le problème.